Étape essentielle de la journée, moment central de la vie privée et intime, élément déterminant de la santé physique et mentale, le sommeil représente un besoin vital. Il est primordial de préserver ce moment de repos, notamment chez l’enfant. La campagne Bonne nuit Bon jour défend la reconnaissance d'un droit au sommeil des enfants. Mais ce droit existe-il vraiment, ou est-il à conquérir ?
Le sommeil : un droit de l'enfant ?
Si le sommeil est un enjeu qu’il est fondamental de prendre en compte dans l'intérêt des enfants, la Convention internationale des droits de l’enfant (CIDE) de 1989 ne reconnaît pas le sommeil comme un droit en tant que tel. L'article 31 de la CIDE prévoit, certes, le droit au repos. Cela étant, il n'est compris que comme une simple condition pour la jouissance du droit aux loisirs et de l'accès à une vie culturelle et artistique. En effet, en 2013, le Comité des droits de l’enfant des Nations unies a estimé que : “Quant au repos, il garantit que les enfants aient l’envie et l’énergie suffisantes pour jouer participer à des activités créatives.”
En France, ça se passe comment ?
De la même manière, le droit français ne reconnaît pas le sommeil comme un droit autonome. La jurisprudence française comprend seulement deux décisions à ce sujet, fondées sur l’article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme, mais qui font essentiellement référence au droit au respect de la vie privée et familiale. Le sommeil est donc également relégué à un rang secondaire. Il n'est abordé que comme élément nécessaire, par exemple, à la protection contre les nuisances sonores ou lumineuses.
"Le droit français ne reconnaît pas le sommeil comme un droit autonome."
En 2018, le tribunal de grande instance de Paris considérait également que "le sommeil est un moment de relâchement, qui, par sa nature, appartient à la sphère protégée de l’intimité et relève de la nécessaire tranquillité dont dispose toute personne”.
Et dans le reste du monde ?
Dans la Convention européenne de sauvegarde des Droits de l’Homme de 1950, le droit au sommeil reste une notion sous-jacente dans l’article 3 sur l’interdiction de la torture et l’article 8 sur le droit au respect de la vie privée et familiale. Cependant, le sommeil n’est ni reconnu ni protégé en tant que droit autonome. Comme en France, la notion de droit au sommeil est souvent mentionnée comme un élément secondaire en soutien d’un autre droit. C'est notamment le cas de la Chine, où le droit au repos est inscrit dans la Constitution, mais fait surtout référence au temps de la sieste pendant la journée de travail.
D’autres pays font davantage figures d’exemple en ayant introduit la notion de droit au sommeil dans le débat public grâce à des litiges juridiques. C’est notamment le cas des Etats-Unis, plus précisément de l'État de Californie, où des personnes sans abri ont contesté la légalité d’arrêtés municipaux leur interdisant de dormir sur la voie publique. La Cour d’appel fédérale a retenu que les personnes sans abri n’ont pas d’autres choix que de dormir dehors, et que la criminalisation de cet acte entraîne la violation de leurs droits protégés par la Constitution. Le sommeil est alors reconnu comme un “besoin essentiel et inhérent à l’être humain”, bien que non consacré comme un droit autonome aux Etats-Unis.
"Bien qu’étant un élément central dans la vie de tous les jours, et dans la santé et le développement de l’enfant, le sommeil reste une notion peu présente dans le droit international."
De la même manière, l’Inde a fait des avancées dans sa jurisprudence. En 2012, des manifestants pacifiques endormis avaient été évacués par la police indienne en pleine nuit à l’aide de gaz lacrymogènes et de canons à eau. La Cour suprême indienne avait considéré l’intervention comme injustifiée et déraisonnable. L’un des juges avait ajouté que le droit au sommeil des manifestants avait été violé, expliquant que le sommeil constituait “un ingrédient biologique et essentiel des besoins fondamentaux de la vie”.
Dans ces deux affaires, le sommeil est jugé comme une nécessité naturelle, permettant d’espérer une possible reconnaissance du droit au sommeil comme droit autonome. Finalement, les travaux scientifiques et les débats au sein d’organisations internationales comme l’Organisation mondiale de la Santé font avancer les discussions sur la reconnaissance du droit au sommeil des enfants comme droit fondamental. Le sujet du droit au sommeil est donc de plus en plus discuté et pris en compte, bien qu’il ne soit pas présent dans les textes. Bien qu’étant un élément central dans la vie de tous les jours, et dans la santé et le développement de l’enfant, le sommeil reste une notion peu présente dans le droit international.
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